jocaste - 31 janvier 2012

Jocaste reine à la Bordée

C’était tout un soir de première hier pour la présentation de la pièce Jocaste reine à la Bordée. Tout d’abord, parce qu’il s'agissait de la première nord-américaine de la pièce de Nancy Huston et de la première coproduction entre le Théâtre du Nouveau Monde (TNM) et la Bordée, mais également parce que pour une fois, le public de Québec assistait à une pièce un an avant Montréal. Cependant, ce qui a rendu la soirée des plus exceptionnelles, ce sont les interprétations senties, la mise en scène impeccable de Lorraine Pintal et le décor sublime. Bref, un grand moment de théâtre.

La pièce Jocaste reine raconte l’histoire de la reine Jocaste et d’Œdipe, reprise notamment par Anouilh, Bauchau et Sophocle. Cependant, Nancy Huston y insère plusieurs éléments contemporains qui ajoutent une nouvelle vision de cette histoire. Dans une Thèbes décimée par la peste, Jocaste (prodigieuse Louise Marleau) prodigue des soins à son peuple. Mais avant tout, elle donne son amour à son époux Œdipe, qui est aussi son fils, (Jean-Sébastien Ouellette) et à ses quatre autres enfants : Antigone la rebelle (intense Marianne Marceau), la douce Ismène (Maryse Lapierre), Étéocle (Hubert Proulx) et Polynice (Éric Robidoux). Quand les secrets de la famille éclateront, le drame s’emparera de la fille royale, laissant ses membres morts. Ce qui a été ajouté par Nancy Huston, ce sont pleins de petits clins d’œil : ici nous voyons Œdipe jouer aux devinettes avec ses deux filles. On chante et on danse, on parle de clitoris et des premières règles d’Ismène. Jocaste évoque même un auteur qui n’existera que dans les vingt-trois siècles à venir soit Tolstoï et « ses romans fleuves ». Mais elle ira encore plus loin en nous avouant avoir détesté Laïos, son premier époux, qui n’aimait que les beaux éphèbes et en nous apprenant qu’il était complètement stérile. Voilà que d’un coup sec, Œdipe devient un enfant bâtard qu’elle aurait conçu avec un domestique.

La mise en scène de Lorraine Pintal permet de bien centrer l’attention sur le drame qui se joue. Au départ, la scène est dépouillée, seul un petit rectangle d’eau en avant de la scène pour permettre aux enfants de se rafraichir. Plus le drame se construit, plus le plancher se défait et dévoile un grand étendu d’eau sous la scène, lieu de batailles comme à la guerre entre Polynice et Étéocle. Chapeau à Jean Hazel pour la confection de ce décor magnifique. L’utilisation de costumes parfois blancs parfois noirs pour tisser l’intrigue donne encore plus de prestances aux personnages. Tous les comédiens sont intenses dans leurs rôles. De plus, la musique et le chant de Claire Gignac apporte suspense et ajoute à l’intensité des personnages. Vraiment une pièce magnifique à voir absolument.

 

JOCASTE REINE
Coproduction avec le Théâtre du Nouveau Monde
Texte : Nancy Huston
Mise en scène : Lorraine Pintal
Assistée de : Bethzaïda Thomas
Distribution : Louise Marleau, Jean-Sébastien Ouellette, Éric Robidoux, Hubert Proulx, Marianne Marceau, Maryse Lapierre, Monique Mercure et Hugues Frenette
Conception : Jean Hazel, Sébastien Dionne, Denis Guérette, Claire Gignac et Estelle Clareton.

Au Théâtre de la Bordée jusqu’au 24 mars.

Une pièce à ne pas manquer.

Valérie Côté