Les violons du roy et Robert D Levin - 16 janvier 2015

 

Le bonheur au rendez-vous

Hier soir, à l’occasion du premier concert de la série Grands rendez-vous, Les Violons du Roy accueillaient, le jeudi 24 septembre au Palais Montcalm, Robert D. Levin, pianiste et chef américain né en 1947, qui avait préparé un impressionnant programme exclusivement composé de pièces de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791).

 

            La soirée débute par l’ouverture des Nozze di Figaro. Avant ce concert, je n’avais jamais entendu d’orchestre au Palais Montcalm et, dès le début, la qualité acoustique de la salle Raoul-Jobin me stupéfait : on croirait entendre un enregistrement tellement le son est équilibré, riche, clair, pur. Le chef se montre énergique, passionné et comique, presque clownesque. Il lance les bras avec fougue dans toutes les directions pour souligner les entrées des instruments, les accents de l’orchestre, si bien que, dans les traits rapides comme dans les passages lents, les attaques des cordes sont prodigieusement précises.

 

            Avant de poursuivre avec le concerto pour piano no 24 en do mineur, K. 491, Levin nous explique, dans un français admirable, que des œuvres aux tonalités éloignées, à l’époque de Mozart, devaient être liées par quelque transition pour ne pas troubler le public. Le pianiste nous annonce qu’il improvisera un prélude en guise de transition, puis il nous assure qu’il improvisera les cadences des concertos. Il claironne en riant : « Je n’ai aucune idée de ce que je vais jouer ! » Et je n’arrive toujours pas à le croire. Je n’avais jamais vu un pianiste classique improviser avec autant d’aisance et autant d’ardeur. Qui plus est, Levin dirige l’orchestre en jouant. Il enlève une main du clavier, la remet, enlève l’autre et continue ce jeu à loisir pour guider les instruments. Je ne connaissais pas le concerto interprété mais, grâce aux Violons du Roy et à Robert D. Levin, je m’en suis repu comme si je le connaissais depuis longtemps.

 

            Après une pause, le pianiste surprend la foule avec un prélude improvisé. Puis vient la pièce que j’attendais avec une fébrilité tout enfantine, le concerto pour piano no 23 en la majeur, K. 488. Le pianiste américain, je dois l’admettre, m’avait inoculé quelque appréhension en prévenant l’auditoire, avant le concerto no 24, qu’il ornementerait les thèmes. Des broderies, selon moi, risquaient de corrompre mon concerto préféré, d’altérer son indéfinissable perfection. Mais Levin réussit à démentir ma peur et les ornements me charment : il me semble que Mozart lui-même joue devant moi, qu’il s’amuse à agrémenter ses propres thèmes. Le célèbre deuxième mouvement, que j’avais pourtant entendu d’innombrables fois, me fait frémir comme jamais auparavant. Les violons sont vibrants, émouvants, déchirants.

 

            Le concert se termine avec la symphonie no 38 en  majeur, K. 504, du maître autrichien. Le sexagénaire cesse de jouer du piano, mais ne se repose pas pour autant : il dirige cette symphonie magistrale avec une énergie incomparable. Comme au début de la soirée, il danse, saute, caracole, piétine. Je remarque que ma copine, qui m’accompagne, est penchée vers l’avant, comme envoûtée. Elle m’avouera plus tard s'être délectée de la symphonie, sans toutefois pouvoir expliquer pourquoi, comme si une force insondable la magnétisait. Je crois que ma copine a connu, ce soir-là, pendant quelques instants, le bonheur le plus pur.

Antoine Drouin

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