Club musical (Clarinette) - 16 janvier 2016

 

Un jeu d'enfant

Le dimanche 11 septembre à 14 h, au Palais Montcalm, Andreas Ottensamer, clarinettiste autrichien, et José Gallardo, pianiste argentin, ont donné le coup d'envoi de la saison 2016-2017 du Club musical de Québec.

Je dois admettre que je ne me suis jamais vraiment intéressé au répertoire pour clarinette et, étrangement peut-être, quand j'ai entendu parler de ce récital singulier, je m'attendais à des œuvres classiques, un concerto de Mozart, par exemple. Comme j'ai été surpris en regardant le programme ! Debussy et Gershwin ? Eh bien ! Ce concert m'a donc permis de découvrir un répertoire (et un instrument !) magnifique que je ne connaissais pas du tout. Après tout, l'individualité de chaque instrument n'est-elle pas trop souvent étouffée dans la masse sonore de l'orchestre ?

Andreas Ottensamer et José Gallardo forment une paire unique et rigolote. Ils se sourient malicieusement en jouant, rient ensemble entre les pièces. On dirait deux gamins qui s'amusent, badinent, batifolent. Une complicité indéfectible les anime. L'un, assis au piano, donne des coups de tête fougueux, lance ses mains dans les airs avec grâce, arrondit et déploie successivement ses doigts; l'autre, debout devant, se dandine, tourne sur lui-même, se plie en deux, dodeline de la tête... Tout a l'air si facile, si léger, au point que leur prestation semble un jeu. Le toucher du pianiste est doux, précis, suave. Ses doigts volettent. Toutefois, il s'impose, ne se laisse pas écraser par son complice. Gallardo n'est pas l'accompagnateur de Ottensamer: c'est son égal.

Après la deuxième pièce, Pocket Size Sonata no 2 d'Alec Templeton (1910-1963), une rumeur exaltée gagne la salle. Des visages se sourient, certains à eux-mêmes; des regards avides se lancent vers le programme, impatients d'en savoir plus, d'en entendre plus. Le duo enchaîne avec Introduction et rondo, op. 72 de Charles-Marie Widor (1844-1937). Ottensamer s'adresse à la foule, d'abord en français avec un bonjour timide, puis, comme se résignant, en anglais. Il trouve son répertoire, combinaison de compositeurs américains, anglais et français, excitant (« exciting »), et il a raison ! Les élans jazzy nous émeuvent sans nous déplaire, nous qui sommes pourtant branchés musique classique. Suit After You, Mr. Gershwin! de Béla Kovács (né en 1937). Au retour de l'entracte, c'est le vrai Gershwin (Trois préludes pour piano) qui arrive. Quel bel arrangement de Stephan Koncz !

Le public fait preuve d'une grande écoute pendant un Jean Françaix. Je perçois le silence saisissant sous la musique. Ottensamer, tout impressionnant dans les passages impétueux, l'est encore davantage dans les notes longues des passages dégarnis: il sait porter le son jusqu'à la limite de la ténuité, jusqu'au silence. La note s'évapore dans la salle. Cette douceur remarquable, tel un soupir, se prolonge dans « La fille aux cheveux de lin » de Debussy, languit même jusqu'à la Sonatine de Joseph Horovitz (né en 1926), dernière pièce du programme.

Encensé par les spectateurs, le duo nous offre, en rappel, un Brahms bien connu, puis, coup de théâtre ! Le clarinettiste, qui a, par ailleurs, déjà étudié le violoncelle, s'installe au piano avec Gallardo pour un tango. Brahms symbolisant son propre coin de pays, il ne pouvait pas partir, nous explique-t-il, sans raviver les racines argentines de son camarade. Gallardo, au demeurant, apparaît vraiment comme son égal dans ce jeu qu'ils aiment à jouer.

J'ai beaucoup aimé, c'est un super concert

Antoine Drouin