Félicité - 31 janvier 2012

FÉLICITÉ

Une pièce qui parle de vénération, d'idolâtrie. On y voit et surtout écoute un récit qu'on nous raconte.

Il s'agit de quatre employés du WalMart en salle de pause qui nous font le récit d'une femme qui les fascine, Céline. Céline a quelque chose de sacré pour les Québécois, elle représente à la fois le peuple, de par ses origines, et les gens parvenus au sommet de la gloire. Ces gens qui font rêver.

L'attirance du genre humain pour à la fois ce qui est (ou plutôt semble) beau. Mais pas seulement.

Une dualité bien exprimée dans la pièce puisqu'il y a également l'attirance du genre humain pour ce qui est laid : l'histoire sordide d'Isabelle, victime de violences atroces.

Les histoires sont entremêlées, mais finalement les quatre employés « aiment » Céline, mais plus particulièrement une : Caro qui ne se supporte dans sa vie que grâce à Céline. Elle est aussi l'Oracle dans la pièce. Petit clin d'oeil à la mythologie évidemment où le peuple adorait des dieux, où il était même prêt aux sacrifices comme Isabelle et son histoire font d'elle une victime héroïque qui pourrait avoir droit à la reconnaissance de la déesse.

La nourriture des pauvres ce sont donc des faits divers sur la vie des stars et des faits divers atroces. Ils s'en repaissent, cela leur donne une raison de vivre, une raison de savoir des choses sur les autres pour combler leur ignorance.

Pourquoi avoir choisi le WalMart? Sûrement parce qu'on croit que ce sont de petites vies dont la destinée des grands paraît alléchante. Du moins on peut en parler.

La scénographie est intéressante, des casiers, une table une horloge : une salle de pause d'employés très ordinaire avec ses néons artificiels. L'oracle, quant à elle se trouve dans un cadre lumineux accroché au mur qui n'est pas sans rappeler une métaphore de la télévision qui « dirait » la vérité. Les cases se transforment en lit de torture pour l'affreuse histoire d'Isabelle.

On trouve des longueurs à la pièce qui pourtant ne dure pas longtemps quand on nous raconte en menus détails la vie de Céline, ou la violente décomposition du corps de la malade Isabelle, qui de part sa violence nous met un peu mal à l'aise. Mes les acteurs sont très bons, surtout de raconter un récit avec autant de fluidité, une histoire qu'on écoute.

L'attrait du sensationnalisme, quel qu'il soit. C'est ça. Il devient parfois une raison de vivre, une raison d'en parler. Mais il devient violent et fanatique et laisse des victimes derrière lui, des personnes qui se sont fait avoir. Des personnes dont la rédemption paraît difficile.

Au théâtre de la Bordée, jusqu'au 13 octobre 2012.

Perrine Gruson