OSQ - 06 janvier 2013

 

Le préambule d’une saison grandiose

« Nous vous promettons des instants de pur bonheur. » Cette phrase, prononcée par Madame Thérèse Boutin, présidente directrice générale de l’OSQ, s’est concrétisée dès la première œuvre jouée, l’ouverture d’un majestueux ballet de Beethoven, Les Créatures de Prométhée, qui a su dessiner l’esquisse d’un concert magistral – et, par le fait même, d’une saison tout aussi éblouissante. En effet, l’interprétation des musiciens était si précise, les nuances, si marquées qu’on aurait cru voir s’animer gaiement une troupe de danseurs. Les instruments semblaient se livrer à un dialogue, surtout grâce au thème principal repris tout au long de la pièce par plusieurs voix. Cette conversation, chaque instrument y participait en répondant aux autres avec ses propres inflexions. Savoir que cette pièce a été composée il y a plus de 200 ans et l’entendre être interprétée de façon si brillante procure au public l’impression d’un statut privilégié.

Le concert s’est poursuivi avec le concerto no 3 de Beethoven. Le dialogue qui s’était installé depuis le début s’est alors développé davantage. Cette fois-ci, toutefois, c’est entre le piano et l’orchestre tout entier qu’il s’est établi. D’une part, Emanuel Ax, par sa grande dextérité et l’exactitude de son jeu, exécutait les nuances comme Beethoven les a sans doute imaginées, passant de la gamme chromatique au trille, sans oublier l’arpège. D’autre part, l’ensemble de l’orchestre reprenait ces thèmes joués au piano avec certaines variations harmoniques à la couleur préromantique, le tout se traduisant par une polyphonie imitative impressionnante.

Une fois les trois mouvements complétés, une longue ovation a témoigné au soliste, aux instrumentistes et au chef d’orchestre l’ampleur des émotions qu’ils ont su faire naître. Par ailleurs, c’est en voyant, dans le regard des gens, une admiration mêlée d’émerveillement qu’on comprend le but premier de la musique et l’aisance avec laquelle elle est rendue par l’OSQ. Mais c’est surtout en partageant ce sentiment et en applaudissant à l’unisson avec le public qu’on a la sensation de faire partie d’une même famille mue par une même passion : la grande musique. Les mots de Thérèse Boutin, soutenant que c’est grâce à nous que l’OSQ peut vivre, prennent alors un sens réel. Le crescendo d’applaudissements dépeint cet enthousiasme et dénote le bonheur qu’elle évoquait plus tôt.

Pendant l’entracte, j’ai réalisé que ces œuvres sont celles qui ont nourri la créativité des compositeurs modernes et contemporains que j’admire. Je crois donc que l’Orchestre symphonique de Québec a atteint un but d’or : en me faisant découvrir des morceaux qui ressemblent à ceux que j’aime par la texture ou le rythme, par exemple, il m’incite à une curiosité musicale, un goût de découvertes que je ne croyais pas posséder.

Les premières notes d’une magnifique symphonie de Brahms m’ont tiré de cette rêverie. Si, pendant la première partie, l’orchestre s’animait de mélodies et d’harmonies classiques et préromantiques, c’est véritablement au cœur du romantique que s’est déroulée la seconde partie. Tous les idéaux qui ont motivé Brahms et orienté son processus de composition ont alors été ressentis par tous, et ce, avec force. La période romantique, avec des compositeurs en quête d’individualisme et de liberté, demeure sans équivoque ma préférée.

Pendant cette deuxième moitié du concert, on a pu apprécier la virtuosité du chef d’orchestre, Fabien Gabel, dont l’amplitude, la vigueur et la fluidité des mouvements dictaient, avec justesse, les nuances et les articulations musicales. Tantôt les vents bondissaient, tantôt les cuivres rugissaient, tantôt le contretemps unissait cuivres et vents dans une polyphonie sublime, mais toujours ressentait-on cette unité, ce synchronisme qui distingue l’OSQ des autres ensembles instrumentaux.

Après le spectacle, j’ai entendu nombre de personnes siffler les airs de Beethoven et de Brahms comme pour prolonger le plaisir premier qu’elles ont eu à les apprécier. « Vous verrez, mesdames et messieurs, que la musique embellit la vie », avait dit Madame Boutin. Eh bien, après l’écoute d’un tel concert, il est impossible de réfuter cette affirmation. Tous les spectateurs en sont sortis convaincus, j’en suis certain : la musique embellit vraiment la vie.

Ces instants de bonheur, il est vrai, sont fugaces, mais tellement riches qu’ils laissent en nous comme une douceur, une allégresse, une passion. Bref, ce concert représente le préambule d’une saison remplie de joie et de mélancolie, d’héroïsme et de tranquillité, de force et de sagesse. Un vertige d’émotions à être vécues, partagées, appréciées mais, surtout, à n’être jamais oblitérées.

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Antoine Drouin